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Cette partie cherche à mettre en valeur les débats dynamiques qui ont eu lieu lors des réunions, auditions de travail ainsi que de valoriser les points de vue des contributeurs.

2.1 Structurer une gouvernance efficace

3) Une structuration de la gouvernance en 3 échelons

L’association Le Rameau, auditionnée par le groupe de travail, propose une structuration de gouvernance sur 3 niveaux. (la gouvernance à 3 niveaux est précisée plus loin dans les recommandations des rapporteurs) :

Quel niveau de collectivité choisir pour porter la gouvernance ?

L’ensemble des contributions soulignent qu’il faut respecter les spécificités territoriales. L’AVICCA précise qu’il n’existe pas un seul modèle mais bien des modes d’organisation, d’animation et de financement différents en fonction de la diversité des territoires, de l’engagement des élus et de l’historique des porteurs de projets. Toutefois, des débats sont posés sur les échelons pertinents pour déployer la stratégie. Plusieurs personnes auditionnées ont mis en avant le département comme acteur incontournable, de pilotage d’une stratégie d’inclusion numérique, du fait de ses compétences en matière de solidarités et de cohésion sociale (témoignage du Conseil d’administration du réseau France Médiation et de l’UNAF).

Regroupement de structures œuvrant pour le numérique au sein d’un département : Exemple de l’Oise

Dans l’Oise, la DSI du département, le syndicat mixte en charge du Très Haut Débit, la centrale d’achat Cap’Oise et l’Adico se sont regroupés au sein d’un « club informel » afin de collaborer sur des objectifs communs. La méthodologie suivie a été la suivante : identification des problématiques, définition de l’objectif commun et répartition des missions.

L’instance de gouvernance mise en place à l’occasion de l’élaboration des schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public (SDAASAP) pourrait devenir une instance pertinente pour traiter l’inclusion numérique. Les SDAASAP sont des outils construits à l’échelle départementale et portés par des acteurs multiples (opérateurs de service public, EPCI (Etablissement public de coopération intercommunale), ARS (Agence régionale de santé), services déconcentrés de l’Etat et services départementaux) qui permettent de déterminer les services essentiels aux populations dans leur vie quotidienne. Ils outillent les territoires pour optimiser, coordonner et mutualiser l’offre de services au public. Aujourd’hui, il existe 62 SDAASAP.

Le SDAASAP est soumis pour avis aux EPCI, puis au Conseil régional et à la Conférence territoriale de l’Action Publique avant d’être approuvé par le Conseil départemental et arrêté par le Préfet. La région est positionnée comme chef de file dans les domaines sur lesquels elle a compétence (par exemple les mobilités) et sur lesquels elle mène des actions. L’intérêt d’avoir une visibilité des schémas à l’échelle de la région est intéressante : la région peut examiner à son échelle le socle commun à chaque schéma et les spécificités de chacun ; l’aménagement des franges départementales et les coopérations entre départements sont à organiser.

Au-delà des seuls SDAASAP, il a été proposé de favoriser l’intégration dans les instances existantes (par exemple les comités départementaux de pilotage des MSAP) des acteurs de l’inclusion et de la médiation numériques.

**SDAASAP des Pyrénées-Atlantiques **

Parce qu’il est apparu comme enjeu central dans l’ensemble des phases de diagnostic de différents schémas portés par le Département et/ou co-portés avec l’Etat, le sujet de l’inclusion numérique a pris une dimension partenariale et a été placé au centre des différents schémas départementaux (Schéma de développement des usages numériques et SDAASAP). Les partenaires du SDAASAP ont aussi été directement impliqués dans la démarche : CAF, Pôle Emploi, CPAM, CARSAT, MSA, La Poste, MSAP entre autres. Le portage politique départemental et le co-portage avec l’Etat et ses opérateurs d’une part, la convergence des schémas sur l’inclusion numérique d’autre part, ont indéniablement été les 2 facteurs clés de succès ayant permis de faire de l’inclusion numérique « l’affaire de tous » sur ce territoire et d’en confier le pilotage et la coordination au Département avec engagements de l’ensemble des partenaires. La Préfecture a pu, dans ce cadre, désigné un référent inclusion numérique en la personne de Mme La sous-préfète.

Toutefois, certaines structures soulignent l’importance de ne pas réduire l’inclusion numérique à l’inclusion sociale. L’instauration d’une culture et d’une méthodologie transverses de travail (notamment au sein des collectivités) semble être un facteur clé de succès pour mettre en place une gouvernance qui fonctionne. Parallèlement au département, les conseils régionaux sont très actifs sur le numérique (déploiement des infrastructures, économie numérique) et ont parfois développé des politiques spécifiques sur l’appropriation du numérique par tous. L’échelon régional est d’ailleurs défendu par des fédérations telles que Familles rurales. Enfin, le niveau intercommunal – à l’heure où les regroupements sont favorisés et les responsabilités des intercommunalités accrues - est intéressant puisqu’il est privilégié pour le pilotage des contrats de ville, pour l’animation et la stimulation du tissu local.

Légitimer les acteurs des différents échelons de gouvernance

Faire émerger des échelons de gouvernance de l’inclusion numérique suppose d’être collectivement vigilant sur la représentativité des membres de ces échelons. En effet, l’importance du crédit accordé aux acteurs « censés » représenter un échelon de gouvernance est essentielle pour le collectif Ouishare. Selon Familles Rurales, il faut partir des communautés de confiance existantes pour construire un réseau national.

La place de l’Etat dans la gouvernance

Cette place a été sujette au débat pendant des auditions et des réunions de travail. L’échelon national devrait avoir comme mission de fixer un cadre partagé, de définir des grands principes communs, d’encadrer tout en libérant les innovations, et de jouer le rôle – indispensable - d’arbitrage notamment pour résoudre les problèmes soulevés localement.

Pour Smara Lungu et Florence Henry du groupe La Poste : « Le local expérimente et le national optimise. Quand la demande part du local, le besoin est avéré ».

Par ailleurs, l’Etat est garant de l’égalité des territoires et des citoyens. Pour nombre de contributeurs, le rôle de l’Etat est donc d’encourager des méthodes contributives : donner la main aux territoires locaux pour que les initiatives locales se diffusent et qu’elles ne jouent pas les unes contre les autres (témoignage d’Alexandre Rousselet du Réseau français des fablabs)

 « On a plus besoin d’un Etat animateur qui va faire en sorte que l’échange s’organise que d’un Etat prescripteur » - Michel Briand, La Coop des communs

L’émergence des « hubs », interfaces des territoires et instances de relai entre le national et le local, à accompagner

Plusieurs témoignages - notamment du PIMMS de Melun et du réseau Arsenic PACA - se retrouvent sur la nécessité d’avoir et/ou de faire émerger des têtes de réseau sur un territoire, capables de structurer des lieux d’accueil identifiés pour l’aide au numérique. Certaines organisations ont témoigné d’une structuration des acteurs de la médiation numérique pas toujours « naturelle ». Par ailleurs, l’importance d’un dialogue efficace entre les différents échelons est pointé. Pour cela, il est nécessaire de constituer des instances de tailles intermédiaires qui puissent à la fois se faire le relai du niveau national et stimuler et recueillir les initiatives locales. Pour certains tels que Samuel Roumeau et Taoufik Vallipuram de Ouishare, ces structures doivent être « souples » et permettre les allers-retours entre le local et le national. Pour d’autres, le Réseau Français des Fablab pourraient être un intermédiaire et se positionner sur le recensement des stratégies locales inspirantes, courroies de transmission sur ces territoires et leur propre FabLab. L’exemple de certaines MSAP, devenues tacitement « têtes de réseau », est enfin intéressant*. Ces MSAP participent à l’attractivité du territoire, sont fédératrices et capables d’embarquer les autres réseaux sur des sujets précis. Elles coordonnent des formations, des projets, la production de ressources, partagent et mettent en commun des informations.

Permettre le dialogue et la coordination permanente entre les échelons national et local suppose pour beaucoup l’instauration d’interfaces, de « hubs », régionaux ou au moins « inter-départementaux » articulés autour de relais départementaux plus proches des acteurs de terrain.

Le témoignage d’ARSENIC, tête de réseau de la médiation numérique en Provence-Alpes-Côte d’Azur

Cette association joue un rôle d’appui aux lieux présents sur son territoire d’intervention (échanges de pratiques, accompagnement à la formalisation et à l’évolution de l’offre de services, formation, etc) ainsi que de valorisation des actions et de développement de partenariats. Elle intervient aussi auprès du niveau national. L’intérêt pour les pouvoirs publics : s’adresser à une interface identifiée et unique qui fluidifie l’animation d’un réseau d’acteurs, communique et favorise la lisibilité du secteur, augmentant de fait les possibilités de collaborations, notamment avec les collectivités.

Cette posture de relai a permis à ARSENIC d’être associée aux démarches territoriales d’aménagement et de développement des usages et services numériques entreprises à l’échelle de la région et des département (SCoRAN, SDTAN, SDUN, etc.) mais aussi des communes et EPCI (telles la Métropole Aix-Marseille Provence) désireuses de s’investir sur le sujet de l’inclusion numériques.

Enfin, le cas ARSENIC est utile à la réflexion en matière d’échelon territorial. Bien que l’échelle régionale soit fondamentale pour garantir une couverture équitable du territoire, l’échelle départementale permet une connaissance affinée des spécificités et besoins des bassins de vie et d’activité et une plus grande agilité.

La mise en place d’une coordination efficace entre les différents échelons de gouvernance

Sur le modèle des contrats de ville, Stéphan Ludot estime qu’il est nécessaire d’associer à un échelon local l’État, ses établissements publics, l’intercommunalité, les communes, le département et la région, les acteurs institutionnels (organismes de protection sociale, acteurs du logement, acteurs économiques), l’ensemble de la société civile, ainsi que les associations assurant le lien social sur le territoire et les habitants dans un dialogue efficace. Par ailleurs, La Poste présente ces deux niveaux de gouvernance en dialogue permanent, socle de sa mission de service public : l’observatoire national de la présence postale et l’instance départementale.

2.1 Porter l’ambition d’une gouvernance en matière d’inclusion numérique

La mise en place de la gouvernance par différents leviers

La mise en place d’une gouvernance partenariale peut être adossée à un levier financier.

La stratégie du Conseil Régional Hauts de France présentée par Isabelle Zeller

La Région Hauts-de-France est l’Autorité de gestion d’un programme opérationnel FEDER 2014-2020. Dans le cadre de sa stratégie numérique, les 96 EPCI de la région doivent se doter d’une feuille de route, adopter une stratégie numérique sur les usages et installer « un numéricien » pour obtenir l’attribution par la région de fonds FEDER.

Pilotage et organisation :_

  • chaque EPCI constitue un binôme avec un technicien (numéricien) et un élu (point d’entrée politique)
  • des séminaires sont organisés 4 fois par an pour réunir les numériciens sur toute la région et permettre les échanges de bonnes pratiques et les travaux collectifs sur des thématiques spécifiques.

« Les fonds FEDER ont eu un véritable effet levier et de transformation. Cela nous a incité à nous regrouper pour construire une stratégie numérique et une équipe avec une approche du numérique qui soit vraiment « servicielle », sous la forme d’une plateforme sur tout le territoire. »- Témoignage du Pays de Saint-Omer, collectivité soutenue par le programme FEDER des Hauts-de-France.

LeVoice à Montréal, Québec, Canada

L’objectif du projet est de faire émerger un écosystème de tiers-lieux d’innovation ouverte dans la municipalité de Verdun, à Montréal, au Canada. La gouvernance de cet écosystème est originale : les financements publics à destination des tiers-lieux servent d’incitation afin que ces derniers aient une gouvernance commune et appartiennent au même consortium d’acteurs. Cela permet de faire correspondre l’offre de service aux besoins des citoyens via cette gouvernance partagée et limite la concurrence entre les acteurs. Les financements sont confiés à une entité neutre, un tiers de confiance avec laquelle le réseau d’acteurs contractualise pour la gestion des espaces, des outils communs et l’animation de l’écosystème.

Sur le modèle du numéricien en Hauts-de-France, les auditionnés soulignent l’importance de pouvoir disposer d’un acteur sur le territoire dont le rôle est de piloter les différentes parties prenantes. Le Réseau français des Fablabs souligne d’ailleurs le rôle primordial des fab managers au sein des lieux pour animer la communauté.

En outre, face à l’enjeu de susciter l’intérêt commun et développer un sentiment d’appartenance, OuiShare a précisé les 3 leviers à activer pour faire émerger et constituer une communauté d’intérêts : la transparence, la confiance et l’appui à l’engagement individuel.

Un acteur de référence pour mutualiser les outils, acteurs et initiatives disponibles

Un des besoins de la gouvernance est de mutualiser les outils disponibles afin de permettre l’échange de bonnes pratiques entre collectivités. Nombre de contributeurs ont pointé les doublons dans le déploiement d’outils ou de projets et donc l’intérêt d’avoir un acteur de référence qui agrège l’ensemble des ressources disponibles et permet de capitaliser sur des bonnes pratiques.

Expérience en cours de développement dans Pays de Montbéliard Agglomération

Suite à la disparition de fonds européens pour financer l’ensemble des 21 Espaces Publics Numériques de l’Agglomération, 5 structures dont des collectivités se sont regroupées pour construire un projet de service collectif numérique. Les objectifs de ce regroupement étaient simples : favoriser un maillage des acteurs, une mutualisation des moyens et des échanges de pratiques. Ce projet de service collectif numérique a démarré en 2017 et a été rendu possible par le soutien de la conférence des financeurs du Département du Doubs.

L’émergence des communs, conditions de réussite de la gouvernance

Pour Michel Briand, « sur un territoire, la collectivité territoriale a légitimité pour réunir l’ensemble des acteurs et créer ce commun de la médiation numérique. L’Etat, lui, a légitimité au niveau national pour réunir l’ensemble des acteurs de la même façon. Nous avons besoin de mettre en œuvre un schéma global en tant que commun. Cela pourrait être le rôle de l’Etat par l’Agence du Numérique. »

La réflexion sur les communs est complétée par la proposition de co-construire un état des lieux des médiations, comme commun du territoire.

« Etablir un état des lieux des médiations numériques permet de prendre en compte la question des usages et des personnes exclues d’outils et de services numériques. Cette démarche suppose de donner à voir la diversité des lieux de médiation numérique présents sur un territoire (bibliothèques, EPN, etc). Cet état des lieux pourrait être considéré comme un commun du territoire : grâce à la mise en place de règles de gouvernance qui permettraient à chaque acteur de participer au diagnostic et d’être force de propositions pour l’e-inclusion du territoire ». Michel Briand, La Coop des communs

« Le Pas-de-Calais porte un projet - Wikisol62 – qui vise à développer un wiki de la lutte contre l’exclusion et recueille les ressources dont les travailleurs sociaux ont besoin sur le terrain peu importe où ils sont dans le département. Le code est libre permettre aux 4 autres départements de la Région de se l’approprier. »  Isabelle Zeller, Conseil Régional Hauts-de-France 

Le réseau de médiation numérique à Brest – contribution de Michel Briand

« La médiation numérique doit être prise en charge à l’échelle du territoire. La médiation doit être réalisée en proximité : les gens restent près de leur domicile. C’est ce qui a été impulsé avec les PAPI (Points d’Accès Public à Internet) à Brest. Il a fallu 10 ans pour que chaque territoire ait son PAPI. Il faut regarder ce qu’il se fait sur le territoire puis raconter ce qu’il se passe sous forme de guide méthodologique, que les gens puissent proposer différentes approches aux autres.

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de l’expérience des PAPI :

  • une démarche accompagnée qui invite à se mettre en réseau au rythme de chacun est efficiente

  • « le temps long » : il a fallu 10 ans pour que le dernier équipement de quartier soit « PAPI»

  • l’importance d’un « donner à voir » qui favorise la diffusion en visant la généralisation

  • l’utilité d’un grand nombre d’ateliers où toute demande de formation peut être entendue

L’intérêt de la démarche complémentaire d’un appel à envies (ie. Un appel à projets où tous les projets sont retenus) est de favoriser les initiatives et le pouvoir d’agir. L’idée est de faire des appels à projets où plusieurs structures peuvent répondre. Cet appel à projets n’est pas concurrentiel et l’enveloppe budgétaire est partagée entre les projets qui respectent les principes ».

Expérimenter les outils auprès de communautés locales installées

Il est utile pour l’ensemble des acteurs de mettre en place des territoires « pilotes » qui pourraient tester l’ensemble des outils mis à disposition dans le cadre de la stratégie nationale et faire leur retour d’expérience.

Mettre en place un évènement national

Pour Yvan Noel du Conseil Régional de Normandie, relayé dans un autre témoignage par Karine du BIJ d’Etampe, « il faut un événement national et une coordination nationale. On a organisé les Assises nationales de la médiation numérique à Caen en 2015 qui a suscité un vif intérêt. Cela permet de montrer qu’il n’y a pas une médiation numérique mais DES médiations numériques : dans l’entreprise, à l’école et partout ».